Les problèmes des urgences, y compris en pédiatrie ne sont pas que des problèmes techniques ce sont aussi des problèmes culturels et de collaboration, de respect,. Des autres et de la médecine. Bien sûr le manque de moyens, de personnel, de médecins est patent. On peut, on doit, toujours soigner plus et mieux. Soigner exige de donner le meilleur de soi-même « sur le fil du rasoir, entre s’en foutre et en crever » écrivait Céline. La souffrance des soignants au travail, jusqu’au suicide parfois, témoigne d’une perte de sens du métier. Pourtant la France est un pays développé. Elle a consacré 11,5% de son PIB en 2017 (DRESS), alors que les pays de l’OCDE y ont consacré en moyenne 8,8%. Le problème est l’inquiétude légitime pour notre santé et celle de nos proches, tout particulièrement de nos enfants et l’attente de la population en son système de soin. La dichotomie entre vraie et fausse urgence n’est pas opératoire puisqu’il faut examiner le malade avant de conclure. Nous devons reconnaître que l’inquiétude est légitime et nous donner les moyens d’y répondre. L’inquiétude est celle du malade lui-même, mais aussi de ses parents ou celle des médecins. Car tout est là : soigner est devenu avec la multiplication des techniques une chaîne de collaboration depuis le malade ou ses parents jusqu’aux hyper-spécialistes. Le parcours de soins dont le ministère se gargarise ne se décrète pas : il se construit avec le temps, l’expérience et le respect de chacun des responsables et de ses contraintes, à commencer par le malade premier et dernier responsable de sa santé et sa famille. Il n’est pas question ici d’abandonner l’ambition de l’efficacité ni de l’excellence. Mais pour que les spécialistes, y compris les pédiatres puissent se consacrer aux malades qui ont besoin de leur technicité, il faut qu’ils aient organisé leurs urgences. Les délais de consultations excessifs accroissent le recours aux urgences. C’est ce qu’on fait les pédiatres depuis 20 ans, contrairement à d’autres spécialistes trop heureux de déléguer leurs urgences aux urgentistes. Les urgences sont la responsabilité de tous, à commencer par les médecins généralistes libéraux, mais aussi de tous les spécialistes qui doivent pouvoir répondre à l’attente des généralistes et des urgentistes. Cette indispensable collaboration ne se fera que dans le respect de chacun et surtout de nos différents métiers et avec l’amélioration de la formation des usagers qui sont les premiers responsables de leur santé et de la bonne utilisation du système de soins. La pédiatrie est la part de la médecine dévolue à l’enfant (25% de la population). Les pédiatres n’ont jamais revendiqué à être seuls responsables des enfants. Ils ont besoin des médecins généralistes de famille qu’ils souhaitent contribuer à former, tout comme les urgentistes. Il n’est pas pertinent que les internes se destinant à la médecine générale ne soient pas former par des pédiatres, hospitaliers ou libéraux. On peut toujours faire du mieux possible avec ce qu’on a. A condition qu’on rende aux cliniciens la liberté de s’organiser, qu’on rétablisse la confiance, des conditions de travail acceptables dans les hôpitaux. Notre métier est le plus beau du monde. Il perd son sens dans la violence soulevée par le sentiment, le principe et la tyrannie de l’urgence. Daniel Cau le 17/6/2019