L’épidémie saisonnière de bronchiolite que nous connaissons chaque année est maintenant installée sur l’ensemble de notre pays, métropole et départements ultra-marins compris, avec une intensité proche de celle de 2012. La principale différence est que notre système de soins est en 2022, aussi bien en ambulatoire qu’à l’hôpital public, dans l’incapacité d’y faire face en raison des fermetures de lits essentiellement liées au manque de personnels soignants dû à une crise profonde connue et analysée depuis plusieurs années. Nous en connaissons les raisons. Les solutions, pourtant en grande partie identifiées, ne nous ont pas été proposées malgré de nombreuse alertes (épidémie de 2019) lancées ces dernières années.
Le collectif de pédiatrie et le SNPEH se sont adressés le 21 octobre 2022 au Président de la République. Nous n’avons depuis que des réponses insuffisantes, sous forme de promesses de fonds non exclusivement ciblés sur les soins pédiatriques, faites par voie de presse par le Ministre de la Santé et de la Prévention mais sans calendrier précis d’application.
La communauté hospitalière pédiatrique, médecins et personnels soignants côte à côte, en hospitalisation conventionnelle (pédiatrie et urgences pédiatriques), dans les services de chirurgie pédiatrique et de soins critiques ainsi que les SMUR pédiatriques et la pédopsychiatrie, sont chaque jour confrontés à des dilemmes éthiques pour pouvoir accueillir, examiner et évaluer les jeunes nourrissons atteints de bronchiolites ou d’autres pathologies, amenés par leurs parents.
Nous sommes ainsi contraints de choisir quel enfant hospitaliser, quel enfant (pourtant aux « limites » des critères d’hospitalisation habituels) renvoyer à son domicile, quel enfant présentant une pathologie complexe ou une maladie chronique traiter en différé ou à quel enfant proposer de déprogrammer l’intervention chirurgicale qui lui est nécessaire, ou bien quel enfant transférer loin des siens dans une autre région. Ainsi nous ne sommes plus en mesure d’appliquer les deux principes éthiques majeurs rappelés par le comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans son avis 140, rendu public le 7 novembre, imposant de placer la personne soignée, l’enfant en l’occurrence, « au cœur de ses préoccupations » et de respecter ses droits : accès égal pour tous au système de santé et de soins (principe de justice sociale) et respect inconditionnel de la personne soignée et de ceux qui la soignent (principe de respect de la personne).
Nous pensons que c’est au Président de la République et à son gouvernement de décider rapidement de nous donner les moyens en personnels et en matériels pour pouvoir accueillir, soigner et parfois hospitaliser tous les enfants qui le nécessitent dans des services spécialisés de pédiatrie et cela sans distinction. Nous n’accepterons pas, comme nous le propose la DGS, d’hospitaliser des nourrissons ou des enfants de moins de 2 ans dans des structures de soin dédiées aux adultes*.
Actuellement il y deux urgences absolues pour la communauté pédiatrique.
La première est de rouvrir l’ensemble des lits dans tous les secteurs pédiatriques, idéalement avec des personnels formés au cours de leur cursus à la prise en charge des enfants et notamment les plus jeunes, car la grande majorité des enfants hospitalisés ont moins d’un an. Cela inclut l’ouverture de lits supplémentaires pour absorber l’actuelle surcharge d’activité liée à l’épidémie de bronchiolite, qui risque de durer jusqu’en février 2023 et d’être suivie, comme chaque année, par une épidémie conjointe de gastro-entérite et de grippe. Plusieurs milliers de personnels soignants formés et diplômés, n’exerçant pas ou exerçant comme intérimaires, sont disponibles dans notre pays. Ils doivent être sollicités et recrutés avec des salaires adaptés et attractifs, « quoi qu’il en coûte… », comme cela a été fait lors de la pandémie de Covid-19 ! Les hôpitaux doivent également pouvoir s’équiper rapidement de tous les matériels, en particulier ceux permettant une prise en charge respiratoire adaptée (ventilation non invasive) avec surveillance rapprochée, comme cela est recommandé par les sociétés savantes de pédiatrie.
La deuxième est d’arriver à garder et faire revenir à l’hôpital les infirmières, aides-soignantes et médecins : pour cela, il est indispensable d’améliorer l’attractivité en revalorisant significativement dans tous les hôpitaux et de façon pérenne : le travail de nuit, (week-ends et jours fériés : pas juste des primes), la permanence des soins (24h de garde = 5 demi-journées) et le temps additionnel, d’instaurer des ratios (nombre de patients par infirmière-puéricultrice/pédiatre), de jour comme de nuit, pour assurer des conditions de travail qualitativement acceptables. Sans cela, on ne pourra pas éviter l’hémorragie des départs.
Enfin, pour préparer l’avenir, il est impératif d’augmenter le nombre d’internes formés de 300 à 600 par an au moins, de modifier la grille tarifaire pour le financement des urgences en pédiatrie, de réformer la gouvernance et de modifier le système de financement des hôpitaux.
*Lettre du GFRUP** et de l’ADARPEF*** adressée le 10 novembre à la DGS.
**GFRUP : Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgences Pédiatrique
***ADARPEF : Association Des Anesthésistes-Réanimateurs Pédiatriques d’Expression Française.

Le bureau du SNPEH
Contacts :
Dr Emmanuel CIXOUS, président
Groupe Hospitalier Seclin Carvin 59113 Seclin
emmanuel.cixous@ghsc.fr
 06 20 81 81 66
Dr Jean-Louis CHABERNAUD vice-président
Centre Hospitalier Antoine Béclère 92141 Clamart
jean-louis.chabernaud-ext@aphp.fr
 06 85 12 83 82